La question de la baisse des prix immobiliers est sur toutes les lèvres, que l’on soit acheteur ou
vendeur. Pour mieux anticiper les fluctuations du marché et prévoir où et de combien les prix
immobiliers peuvent baisser, il faut comprendre les facteurs qui entraînent une hausse ou une
baisse du marché immobilier.
Et, s’il est important de prendre en compte tous les paramètres avant de se lancer dans un
investissement, il est primordial de ne pas occulter les principaux critères : emplacement, prix,
qualité du bien.
Hausse des taux, inflation : les acheteurs ont moins de financement
Principal phénomène qui tend à faire baisser les prix immobiliers un peu partout : les
acheteurs ont un budget inférieur à cause de la hausse des taux de crédit et de l’inflation.
Les conditions d’accès au crédit se sont dégradées
60 % des acheteurs financent leur achat avec un crédit immobilier. Les conditions d’accès
aux crédits ont à la fois un impact sur le nombre d’acheteurs, et sur leur budget. Et sur ces deux
aspects, la situation s’est dégradée en un an.
Tout d’abord, les taux d’intérêt ont augmenté, passant de 1,5 à 3.5 % en un an. Cette hausse
a pour conséquence de réduire le budget des acheteurs en augmentant le coût du crédit
immobilier. Prenons l’exemple d’un acheteur ayant un budget de 300 000 € avec un crédit sur
20 ans au taux d’intérêt de 1,5 % : avec un taux de 3.5 %, son budget est réduit à environ 250
000 €, soit une diminution de 50 000 €.
Ensuite, les banques ont resserré leurs critères d’octroi de crédit, limitant ainsi le nombre
d’acheteurs potentiels sur le marché immobilier. Parmi les exigences actuelles, on trouve un
apport personnel d’environ 20 % du prix d’achat, ce qui constitue un obstacle important pour
les primo-accédants (ceux qui n’ont jamais acheté un bien immobilier).
Enfin, dans un contexte de hausse rapide des taux d’intérêt, de nombreux crédits ont été bloqués
à cause du taux d’usure. Ce taux est le seuil maximal au-delà duquel il est interdit d’accorder
un crédit, et il inclut le coût du crédit ainsi que l’assurance emprunteur. Des profils solvables,
tels que des quarantenaires disposant d’un bon salaire et d’un emploi stable, se sont retrouvés
dans l’incapacité d’emprunter à cause du dépassement du taux d’usure. Cette difficulté est
toutefois en train de se résorber, grâce à une correction du taux d’usure.
L’inflation pèse sur le budget des acheteurs
L’inflation participe également à diminuer la capacité d’emprunt : les banques imposent un
taux d’endettement maximal de 35 % et un « reste à vivre » (la somme restante après le
paiement de la mensualité) plus important qu’auparavant, en raison de la hausse du coût de la
vie liée à l’inflation. En clair, les banques estiment – à juste titre – qu’avant de rembourser votre
crédit, vous devez pouvoir payer des factures d’énergie, des dépenses liées aux transports, plus
importantes qu’auparavant.
À court terme, l’inflation contribue à diminuer les capacités de financement des acheteurs.
Mais il est aussi très probable qu’elle aboutisse à une hausse des salaires ! Le SMIC a été
réindexé plusieurs fois en 2022 pour suivre l’inflation, et les entreprises, qui ont des difficultés
à recruter, vont certainement être obligées de faire monter les salaires. Et cela tendra alors à
faire monter la capacité d’emprunt ! À long terme, l’inflation aurait donc plutôt tendance à faire
monter les prix immobiliers.
Moins d’emprunteurs, moins de capacité d’emprunt : les nouvelles conditions d’accès au
crédit touchent l’ensemble du territoire et tendent à faire baisser les prix immobiliers. Mais
l’impact est modéré, car d’autres phénomènes tendent encore à les faire monter.
Par ailleurs, un bras de fer est engagé entre Bercy et la Banque de France. En effet, le ministère
de l’Economie et des Finances réfléchit à un assouplissement des critères d’octroi de crédit,
fixés par le Haut Conseil de stabilité financière (HCSF), qui limitent aujourd’hui le taux
d’endettement des ménages à 35 % et la durée d’emprunt à 25 ans.
Mais le marché immobilier manque structurellement d’offres
La pénurie de logements en France est un problème persistant qui contribue à la hausse des
prix immobiliers.
Entre 1968 et 2022, la population française a augmenté, passant de 50 millions d’habitants à
environ 68 millions. Parallèlement, le nombre de personnes par logement a diminué,
passant de 3,08 à 2,19. Cette diminution s’explique en partie par l’augmentation de l’espérance
de vie, qui engendre une hausse du nombre de ménages composés d’une seule personne, et par
la progression des divorces. À elles seules, ces évolutions démographiques demandent 300 000
logements supplémentaires par an.
Le nombre de logements vacants a également très fortement augmenté. En cinquante ans,
nous sommes passés d’environ 500 000 logements vacants à presque 3 millions. Le nombre de
résidences secondaires a également explosé, passant de 700 000 à 3,6 millions. Pour compenser
la perte de ces logements, il aurait fallu environ 120 000 logements supplémentaires par an.
Au total, entre 1968 et 2022, il aurait donc fallu construire environ 420 000 logements par an.
Qu’a-t-on fait en réalité ? Nous avons construit 350 000 logements par an. Le compte n’y
est pas, et la pénurie de logements s’est donc accrue. Et aujourd’hui, il faut en plus ajouter à
cela une pénurie de terrains dans la plupart des zones attractives.
Cette situation explique pourquoi le marché français semble toujours manquer d’offres…
et pourquoi les prix montent. Les conditions d’accès au crédit ont beau se dégrader, la tension
sur l’offre reste réelle, et n’est pas près de s’arrêter.
Typologie d’actifs et tendances locales
Les deux phénomènes dont nous venons de parler ont un impact national. Mais les variations
locales sont importantes pour anticiper l’évolution des prix, tout comme le type d’actif.
Il faut bien distinguer l’évolution du marché selon les biens recherchés :
- les investissements propices à l’investissement locatif, T1, T2 voire petit T3, qui
reste une alternative au couple rendement/risque très attractive pour l’épargnant
souhaitant se constituer un patrimoine et compléter ses revenus futurs. Les fonds euros
des assurance vie sont loin de couvrir l’inflation, investir sur les marchés financiers
suppose d’accepter un niveau de volatilité non négligeable en ce moment et l’épargnant
n’a pas forcément accès au private equity «institutionnel». L’immobilier de
rendement reste donc une classe d’actif recherchée pour compléter sa retraite. - l’immobilier de luxe, moins affecté
- de l’immobilier “familial”, plus touché par cette tendance de baisse.
De la même manière, les évolutions de prix ne sont pas les mêmes selon la qualité des
appartements. Les corrections de marché touchent en priorité les appartements avec
défaut (étage élevé sans ascenseur, rez-de chaussée sombre, mauvais plan, performance
énergétique médiocre, etc…). Un appartement sans défaut particulier et bénéficiant d’une
bonne localisation n’est pas décoté aujourd’hui et sera toujours recherché.
Baisse des prix immobiliers à Paris et dans les métropoles
Depuis des décennies, les migrations en France se dirigent principalement vers les métropoles
et les zones économiquement dynamiques, où les opportunités d’emploi sont plus
nombreuses. Les régions telles que l’Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d’Azur et certaines
villes d’Aquitaine sont ainsi caractérisées par une demande de logements plus forte et un taux
de vacance plus faible. À l’inverse, les zones rurales et les villes en déclin économique, comme
le Limousin et l’Auvergne, présentent des taux de vacance plus élevés.
Pourtant, la crise sanitaire de la Covid-19 a provoqué un bouleversement majeur : le
télétravail. Celui-ci n’a pas déplacé les emplois : les zones économiquement dynamiques restent
prisées pour les opportunités professionnelles qu’elles proposent. Mais les salariés peuvent
désormais habiter plus loin de leur lieu de travail. Les prix élevés, ainsi que la densité de
population incitent les acheteurs à chercher des alternatives, sans quitter la région en général,
car rares sont ceux qui télétravaillent à plein temps.
On observe ainsi une baisse des recherches à Paris et dans plusieurs villes limitrophes
onéreuses. Il ne s’agit pas là d’un effondrement, et il faut modérer le phénomène : ces grandes
villes restent prisées, mais leurs prix ayant explosé au cours des dernières décennies, il n’est
pas surprenant d’assister désormais à une correction.
Les agglomérations périphériques et les villes moyennes gagnent en attractivité
Ce désamour des très grandes villes profite aux agglomérations périphériques et aux villes
moyennes. On observe un étalement urbain plus important, vers des zones qui étaient jusqu’à
présent moins chères.
Cet étalement va jusqu’à des villes moyennes qui peuvent être assez éloignées du pôle
économique, mais facilement accessibles en train. Angers, Le Mans, Angoulême, Chartres,
Dijon… Toutes ces villes dont les prix sont encore accessibles comparés aux grandes
métropoles voient encore leur prix progresser.
En revanche, les zones rurales, qui ont été « tendance » un moment après la crise sanitaire,
restent confrontées à la dure réalité : dépendance à la voiture, manque d’accès aux écoles, aux
services de santé, font qu’il reste compliqué de s’y installer pour beaucoup d’acheteurs.
De combien l’immobilier va-t-il baisser en 2023 ?
Difficultés de financement, manque de logements, baisse d’attractivité des métropoles…
Comment cela va-t-il impacter le marché en 2023 ? Nous n’avons pas de boule de
cristal, mais il est probable que la baisse des prix soit légère (bien inférieure à ce que la
hausse des taux pourrait laisser penser).
Quelle évolution pour les prix immobiliers en France ?
Certes, il y a moins d’acheteurs et leur budget a baissé depuis l’année dernière. Mais il y a aussi
de nombreux acheteurs (ceux qui ont acheté il y a plusieurs années) qui ne sont pas trop
impactés par les difficultés d’accès aux crédits. Et les salaires devraient progresser en 2023
(pour compenser l’inflation). Enfin, la demande, bien qu’elle ait légèrement évolué depuis la
crise sanitaire, reste supérieure à l’offre autour des zones économiquement dynamiques.
Tous les indicateurs le montrent, on peut s’attendre à une baisse des prix de l’ordre de 2 à 3
% en moyenne en 2023. La baisse sera un peu plus forte là où les prix ont flambé ces dernières
années à cause des taux d’intérêt très bas, particulièrement sur les actifs avec défauts majeurs,
et à de mauvais emplacements. Et certaines zones vont continuer de progresser.
Baisse du nombre de ventes immobilières
En revanche, il va certainement y avoir une véritable baisse du volume de transactions. Mais
il faut se souvenir que les années précédentes ont été des années records, avec plus de 1,1
million de ventes par an. Le nombre de ventes devrait repasser sous la barre du million, ce qui
est plutôt normal.
Pour rappel, en 2015 et en 2016, il y a eu entre 800 000 et 850 000 ventes par an. En 2017 et
en 2018, il y a eu 950 000 ventes par an et personne ne considérait à ce moment-là que le
marché était en crise.
Peut-il y avoir une vraie chute des prix immobiliers ?
On pourrait croire qu’une baisse de 20 % du nombre de ventes entraîne une baisse analogue
des prix immobiliers : c’est parfaitement faux.
Petit retour sur la crise de 2008 : En 2007, il y a eu 830 000 transactions. La crise de 2008 a
provoqué une baisse des ventes, qui ont atteint leur niveau le plus bas en 2009 avec 564 000
transactions, soit 32 % de ventes en moins. Il y a donc véritablement eu un effondrement du
nombre de ventes. Pour autant, les prix n’ont baissé que de 10 % environ… et sont rapidement
repartis à la hausse. En 2007, le prix moyen était d’environ 2 500 € par m². En 2015, le prix
moyen était de 2 800 €/m². La crise n’a pas impacté durablement les prix immobiliers anciens.
La dernière véritable chute des prix date des années 1990
Qu’est-ce qui s’est passé à l’époque ? Il y a eu un afflux d’offres soudain, lié à une forte
construction dans les années précédentes, et à la mise sur le marché d’un ensemble de biens par
des institutionnels. Dans certaines zones (Ile-de-France, Côte d’Azur), les prix ont baissé de 30
%. Cela étant, il faut noter que la situation s’est rétablie au bout de 3 ou 4 ans (le temps
d’absorber cette offre), et qu’à la fin des années 90, les prix au m² étaient repassés au-dessus de
leur niveau d’avant la crise.
Étant donné le faible niveau de construction de ces dernières années, il est improbable qu’il y
ait aujourd’hui un effondrement du marché (bon, si la guerre en Ukraine finit par se transformer
en troisième guerre mondiale, nous reverrons nos prédictions, si nous sommes encore là).
Un afflux de ventes pourrait toutefois déstabiliser le marché. Si de nombreux propriétaires
décident simultanément de se débarrasser de leur bien, on pourrait se retrouver dans la situation
des années 90.
Est-ce le moment de vendre en 2023 ?
Rien ne vous empêche de vendre en 2023, il faut juste vous attendre à ce que les délais de vente
soient un peu rallongés par rapport aux années précédentes. Rien d’alarmant : les délais de
vente sont au niveau des années 2017 – 2018, qui n’étaient pas considérées comme des années
de crise. Pour ne pas que votre vente traîne trop, il est en revanche important de ne pas
surestimer votre bien, et d’appliquer des décotes réalistes par rapport à ses défauts.
Vous allez également devoir être vigilant au plan de financement des acheteurs.
Le cas des passoires thermiques
Vous êtes propriétaire d’une passoire thermique et vous n’avez absolument pas envie de vous
occuper des travaux ? On vous comprend, c’est un parcours du combattant ! Et cela sera
complexe aussi pour votre acheteur. Une rénovation globale, c’est un budget, du temps, et de
l’incertitude : tenez-en compte sérieusement dans la fixation de votre prix. Et n’oubliez pas que
depuis le 1er avril 2023, pour les ventes de biens en monopropriété classés F ou G, vous devez
fournir un audit énergétique à l’acheteur !
Est-ce le moment d’acheter en 2023 ?
Il est probable que la baisse des prix ne compense pas la hausse des taux. C’est d’ailleurs ce
qu’on observe depuis un an : les taux de crédit ont doublé, la capacité d’emprunt a diminué de
20 %, et les prix baissent légèrement. Plus vous empruntez une part importante de votre prix
d’achat, plus vous avez intérêt à acheter.
D’abord, rappelons que les taux d’intérêt ne sont pas si élevés que ce que l’on pourrait penser
en regardant leur évolution ces deux dernières décennies. C’est plutôt la situation de ces
dernières années qui était anormale :
Au 1er trimestre 2001, les taux avoisinaient les 6%, quand ils étaient à un peu plus de 2% en
3ème trimestre 2022. Aujourd’hui, sur 20 ans, nous pouvons encore emprunter à 3.5%.
Même si nous ne pouvons prédire l’évolution des taux d’intérêt et du marché immobilier, nous
pouvons cependant modéliser des scénarios :
Dans les projections ci-dessus, les taux atteignent :
- 4,5 % en septembre 2023,
- 5 % en janvier 2024
- puis reviennent à 3.5% en janvier 2028
- et 2.5% en janvier 2029
Et dans le même temps, l’immobilier en général baisse de 2% d’ici septembre 2023, 5% d’ici
janvier 2024 et 8% d’ici janvier 2028.
HYPOTHESE 1 : Pour un achat de 300 000 € sur 20 ans financé à crédit en mai 2023
Taux d’intérêt de 3.5% (actuel) : coût du crédit de 117 570 €.
Toutefois, dans cette hypothèse, nous pouvons imaginer renégocier le crédit en janvier 2029 à
2.5%.
En tenant compte de pénalités et frais de dossiers, le coût global du crédit serait ramené
à 104 100 €
.
HYPOTHESE 2 : Pour le “même bien” sur 20 ans financé à crédit en septembre 2023
Le marché ayant baissé de 2% en septembre, mon financement n’est plus que de 294 000 €.
Taux d’intérêt de 4.5% : coût du crédit de 152 400 €.
Toutefois, je profite de la baisse des taux en janvier 2029 pour renégocier à 2.5%.
En tenant compte de pénalités et frais de dossiers, le coût global du crédit serait ramené
à 118 600 €.
HYPOTHESE 3 : Pour le “même bien” sur 20 ans financé à crédit en janvier 2024
Le marché ayant baissé de 5% en septembre, mon financement n’est plus que de 285 000 €.
Taux d’intérêt de 5% : coût du crédit de 166 409 €.
Toutefois, je profite de la baisse des taux en janvier 2029 pour renégocier à 2.5%.
En tenant compte de pénalités et frais de dossiers, le coût global du crédit serait ramené
à 121 000 €.
Une baisse du marché immobilier de 2% ou 5% d’ici la fin de l’année ne compense donc pas du tout la hausse liée au coût du crédit.
Avec de telles hypothèses, l’idéal serait donc d’attendre des baisses de taux d’intérêt et du
marché immobilier en 2028 ou 2029 ?
OUI, MAIS…
…quand l’objectif est de préparer sa retraite, et de donner du levier à son patrimoine, perdre 5
ou 6 ans de remboursement peut peser lourd dans le bilan patrimonial. La durée d’emprunt
sera alors plus courte, les mensualités du crédit et l’effort d’épargne mensuel beaucoup plus
important, et les possibilités seront donc restreintes.
…il ne faut surtout pas oublier que la décision d’acheter ou non dépend essentiellement de votre
projet et de vos objectifs et il convient d’être particulièrement vigilant sur les aspects suivants :
- la localisation : étudiez le marché local et son évolution. Si le marché baisse, comparez
la baisse à la hausse du coût du crédit, pour voir s’il est intéressant d’attendre. À ce
stade, il n’y a aucune commune dans laquelle la baisse est suffisamment importante
pour compenser la hausse du coût du crédit. - la durée de détention du bien : On l’oublie souvent, et il s’agit pourtant là de la
principale erreur lors d’un achat immobilier. Un achat n’est rentable que si on conserve
le bien plusieurs années (pour rentabiliser le paiement des frais de notaire). Plus vous
pouvez garder le bien longtemps, plus votre achat sera intéressant. - la classe énergie : La classe énergie du diagnostic de performance énergétique (DPE)
est actuellement un léger facteur de décote, aussi bien en résidence principale qu’en
investissement locatif, et cela devrait s’accentuer au cours des prochaines années. Si
vous achetez une passoire thermique, attendez-vous à devoir effectuer les travaux de
rénovation un jour ou l’autre